Sur une oreille, un coquillage cauri. Sur l’autre, une carte de La Réunion. Jordan Olympus, nouveau talent de la pop, exprime ses multiples identités à travers sa musique et son style. C’est pourquoi il porte ces boucles d’oreille : la première est l’emblème de ses origines malgaches ; la seconde, une ode à l’île de son père où il a vécu entre 2008 et 2010. Aujourd’hui installé en France, il a sorti le 14 novembre « Whine », une chanson célébrant la danse éponyme, très populaire dans les îles.
Jordan Olympus est constamment actif. Il a passé la matinée à appeler frénétiquement des danseurs en vue d’un concert à l’Odéon le 8 décembre. Après des semaines d’attente de réponses de professionnels, il a fini par recruter des artistes de rue. Ces danseurs sont certes doués, mais il ne reste que deux semaines avant le concert. Un autre appel retentit. « C’est beaucoup à gérer », admet-il
Mais c’est pour ce genre de scénario que Jordan est le mieux préparé. Autodidacte en guitare, en piano et en séquenceur, il a appris à être indépendant. Depuis deux ans, il prend également des cours de danse qui l’aident à encadrer ses nouveaux collaborateurs. Cependant, sa décision de suivre des cours n’est pas liée à sa carrière musicale. Il y voit plutôt une échappatoire : « La danse est l’un des seuls trucs qui font que je ne réfléchis pas du tout. »
« La danse est l’un des seuls trucs qui font que je ne réfléchis pas du tout »
Avant de se consacrer à la danse et à la musique, il baigne dans ces arts. Grâce à ses parents musiciens, il grandit dans un environnement musical éclectique, imprégné d’influences francophones, anglophones et malgaches. Pourtant, alors qu’ils écoutent du rock et de la variété française, Jordan Olympus préfère les musiques afro-américaines. « J’ai appris à aimer monter sur scène dans les fêtes de famille, se remémore-t-il. À côté, je dessinais énormément. »
L’atelier ou la scène ?
Son amour pour l’art ne se limite pas à la musique. Au départ, il ne considère pas cela comme un métier, envisageant plutôt de devenir dessinateur. Il se rend finalement compte qu’il est trop extraverti pour un art aussi isolant et opte pour une école de cinéma : « J’aime beaucoup bouger. J’aime beaucoup communiquer avec les gens. » Ensuite, il réalise qu’il a encore fait le mauvais choix : « Le cinéma n’est pas assez réel parce que tu dois répéter mille fois la même scène. La musique permet de construire quelque chose qui te ressemble. »
Pour quelqu'un qui, dès son arrivée en France, souffre du regard des autres, s’exprimer à travers l’art est vital. « Même si je suis africain, je ne suis pas suffisamment noir pour être considéré comme noir pour certaines personnes, explique-t-il. Mais je ne suis pas non plus asiatique, ni blanc. »
« Même si je suis africain, je ne suis pas suffisamment noir pour être considéré comme noir pour certaines personnes. Mais je ne suis pas non plus asiatique, ni blanc »
Jordan Olympus incarne un mélange d'identités, grâce aux influences africaines, européennes et asiatiques de Madagascar. Cette diversité se reflète dans son emploi de plusieurs langues dont l’anglais, le français, le malgache et l’espagnol. C'est pourtant en anglais qu’il préfère écrire ses paroles : « Quand j’écris en français, j’ai l’impression que ce n’est pas moi. »
Preuve de son aisance à s'exprimer en anglais, il glisse constamment des phrases dans cette langue. Mais sa décision de chanter en anglais ne s’arrête pas là. Aujourd’hui, il s’agit plutôt de refuser d’être catégorisé. « Pourquoi pas ? » demande-t-il en faisant de grands gestes. « Je peux venir de Madagascar, être en France et chanter en anglais. »
Un univers visuel
Cette identité hybride transparaît aussi dans les aspects visuels de son œuvre. Grâce à sa formation en cinéma, Jordan Olympus bâtit son « univers » en puisant dans le folklore grec et africain. Il choisit le nom « Olympus » car ses histoires préférées au collège étaient celles de l'Olympe : « J’aime bien tout ce qui sort de l’ordinaire. » L'influence du folklore africain se manifeste le plus clairement dans ses tenues. Même s'il porte du noir aujourd'hui, il n'a jamais caché son amour pour les créations africaines colorées et a chanté lors de plusieurs défilés.
C’est un univers qu’il espère concrétiser à la sortie de son prochain EP, qui racontera la période difficile entre 2019 et 2024. La pandémie survient au moment du décès de sa mère. Jordan Olympus vient de sortir son premier EP, L’Ascension, et doit le promouvoir exclusivement via des livestreams. Malgré tout, il reste optimiste. « Je suis quelqu’un de superstitieux », rigole-t-il, expliquant qu’il a vu dans la sortie de Renaissance de Beyoncé un signe annonciateur d'une nouvelle ère d’épanouissement artistique.
Comment fait-il pour rester si positif ? « Être dans l’action plus qu’être dans le mental », répond-il, en sirotant un verre de vin blanc. L’artiste recherche peut-être une esthétique cohérente, mais il ne veut jamais stagner. Ses visuels sont axés sur la découverte de l’identité, le clip de « Whine » montrant des jeunes gens qui explorent leur créativité de diverses manières, de la danse à la moto. Comme il le dit si bien, « l’autobiographie n’est pas terminée ».
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